Le programme utilise ces correspondances pour résoudre les problèmes d'analogie de la forme suivante : « Si abc donne abd, que donne ijk? ». Une fois que le programme a découvert la structure commune aux deux chaînes abc et ijk, en décidant que la lettre a de la première chaîne correspond à la lettre i de la seconde, que b correspond à j, et c à k, il est assez aisé pour lui d'en déduire que la meilleure réponse doit être ijl. La tâche difficile pour le programme --l'étape qui requiert de la perception de haut niveau-- est de construire, en premier lieu, des représentations.
Il convient avant tout de remarquer que le programme ne connaît rien de la forme des lettres, ni de leurs sonorités, ni de leurs rôles dans la langue française. Il ne connaît que l'ordre des lettres de l'alphabet, dans le sens habituel et dans l'ordre inverse (pour le programme, l'alphabet n'est absolument pas « circulaire »). L'alphabet est constitué des 26 entités abstraites que sont les lettres, chacune n'ayant de relations explicites qu'avec ses voisines immédiates et rien d'autre. Lorsque des exemplaires de ces concepts simples, les lettres, sont combinés en des chaînes de diverses longueurs, il peut résulter des situations bien complexes. La tâche du programme est de percevoir les structures de ces situations et de les utiliser pour réaliser de bonnes analogies.
Ce domaine est plus subtil qu'il y paraît ; considérons l'analogie
suivante, très proche de la précédente, et pourtant autrement plus
intéressante : « Si aabc donne aabd, que donne
ijkk ? ». Ici, comme dans le problème précédent, la plupart
des gens cherchent à appliquer la règle la lettre la plus à
droite est remplacée par son successeur alphabétique. Cette règle
simple peut-elle être transposée strictement, pour donner
ijkl ? Bien que cette transposition rigide fonctionne dans le
problème précédent, elle semble plutôt sommaire à la plupart des gens,
car elle ignore le fait évident que k est doublée. L'ensemble
des deux k forme une unité, et il est tentant de remplacer
les deux lettres, pour donner la réponse ijll. Utiliser
littéralement l'ancienne règle ne donnerait pas cette réponse ; au lieu
de ça, sous la pression, on adapte l'ancienne règle pour en obtenir
une très proche, c'est-à-dire : remplacer le groupe le
plus à droite par son successeur alphabétique. Ici, le concept
lettre a « glissé », sous la pression, vers le concept proche
groupe de lettres. C'est un bon exemple de la
souplesse mentale humaine (contrairement à la
rigidité mentale qui mène à ijkl).
Bien des gens sont parfaitement satisfaits de cette manière d'exporter la règle, mais quelques uns sont gênés par le fait que le a doublé dans aabc reste ignoré. Une fois que l'on en a pris conscience, il vient facilement à l'esprit que aa et kk jouent des rôles similaires. Il n'y a alors qu'un pas à franchir pour les « assimiler », ce qui amène la question « Quelle est alors la contrepartie de c ? ». Étant donné que la mise en correspondance de l'objet le plus à gauche (aa) avec l'objet le plus à droite (kk) est déjà établie, il ne reste plus qu'à relier l'objet le plus à droite (c) avec l'objet le plus à gauche (i). À ce moment là, on peut simplement prendre le successeur de i et répondre jjkk.
Peu de gens arrivant jusqu'à ce point s'y arrêtent, ils préfèrent penser que les deux structures croisées (aa kk ; c i) sont une invitation à lire ijkk à l'envers, ce qui renverse le flux alphabétique de cette chaîne. Ils tendent alors à penser que le rôle conceptuel de la succession alphabétique dans abcc est joué par celui de précédence dans ijkk. Dans ce cas, la modification correcte de i ne serait pas le remplacement par son successeur, mais par son prédécesseur alphabétique, produisant la réponse hjkk. Et c'est en effet la réponse la plus souvent proposée par ceux qui ont consciemment essayé de prendre en compte les deux lettres doublées. Ils ont, sous la pression, plié la règle originale pour en faire cette variante : remplace la lettre la plus à gauche par son prédécesseur alphabétique. Une autre manière d'exprimer cela est de dire qu'une transposition très souple (ou fluide) de la règle originale a eu lieu ; durant cette transposition, deux concepts ont « glissé », sous la pression, vers des concepts voisins : la plus à droite vers la plus à gauche, et successeur vers prédécesseur. Donc, être un copieur (copycat, en anglais) -- c'est-à-dire « faire la même chose » -- est une notion très « glissante ».